Valerie VALEIX - Crime et abeille – 02 - La fumee du diable
Crimes et Abeilles, Tome 2 : La fumée du diable
  • Éditions Palémon
  • Date : Octobre 2017
  • Pages : 427
  • ISBN : 9782372600989
  • Prix : 10,00 €

Informations Éditeur

Éminente apicultrice consultante dans le Quercy, la jeune Audrey Astier parcourt le monde à la recherche de méthodes de travail différentes dans le but d’assurer la sauvegarde des abeilles.

Audrey quitte son Quercy pour la Normandie, appelée au secours par Laure, une apicultrice dont les ruches ont été brutalement décimées au beau milieu d’un conservatoire de pommes biologiques.

Trois jours après l’arrivée d’Audrey, Laure est retrouvée asphyxiée près de son enfumoir allumé…

Audrey va retrouver le troublant lieutenant Steinberger qui lui fera découvrir les charmes de l’Alsace et de la langue alsacienne…

Notre Avis

La fumée du Diable de Valérie Valeix est un roman policier… apicole palpitant, passionnant et d’actualité !!!

Dans le monde d’aujourd’hui, entre les pesticides, les parasites venus d’ailleurs (comme le frelon asiatique), les virus étrangers (varroa), la monoculture et la baisse du nombre de variété des fleurs dont les abeilles peuvent butiner le pollen et le nectar, l’urbanisation outrancière et l’artificialisation des sols, c’est tout l’écosystème indispensable à la survie des abeilles qui est menacé …

Et par voie de conséquence, pour résumer, ce serait simplement une catastrophe écologique et agronomique pour l’humanité et les générations futures.

Attention ne pas prêter foi ou serment à la « célèbre » phrase d’Albert Estein qui prédisait une durée de survie de l’humanité à … 4 ans en cas de disparition complète des abeilles.

Bouleversement, inquiétude, impact énorme sur dérèglement de nos habitudes alimentaires certainement (comme le climat), le combat pour trouver des solutions et mettre en place des mesures de protection et d’alternatives sont plus que jamais incisif et pertinent.

« 80% des plantes à fleurs sont pollinisées par l’animal et les abeilles sont considérées comme les meilleurs pollinisateurs ».

Audrey Astier est une apicultrice (éleveuse d’abeilles) renommée dans l’hexagone, elle est aussi conférencière pour trouver et développer des moyens de sauvegarder la survie de l’espèce, des solutions alternatives.

C’est son cheval de bataille, une militante engagée et convaincue, sa raison de vivre, son leitmotiv, son nerf de guerre, sa croix et sa bannière, c’est toute sa vie, elle se voue corps et âme à son métier mais pas seulement, elle intervient en qualité d’experte, à estimer, à évaluer, à donner de la voix et pour sensibiliser le grand public et sur les bonnes pratiques apicoles.

Alors qu’elle est en train de filer un coton d’amour avec le lieutenant Steinberger, Audrey est appelée à la rescousse par une apicultrice dont toutes ses ruches ont été purement et simplement décimées sans raison apparente, dans un premier temps.

A peine arrivée sur les lieux du massacre et entendu la version de la victime l’orientant vers une piste criminelle, Audrey ne le sait pas encore mais elle vient juste de mettre le pied dans une affaire qui va vite la dépassée, à ses risques et périls …

Sans avoir lu la première enquête de l’apicultrice Audrey Astier, Echec à la Reine, ma lecture a été rapidement immersive en ce sens que l’auteure donne les clefs de l’affaire précédente par des petits astériques en bas de page.

Et quel roman, j’ai pris mon temps pour découvrir un monde que je connaissais juste à peine à travers des documentaires télévisés, je peux vous garantir que c’est un univers passionnant et comme évoqué ci-avant d’une brûlante actualité.

C’est une histoire qui peut et doit être lu avec différentes approches, c’est d’abord une enquête policière complète et riche, ce qui débute comme un simple incident d’origine douteuse, l’apicultrice « victime » avance l’idée de propagation de pesticide dans la pommeraie où sont installées ses ruches avec ses colonies d’abeilles.

Avec l’aide et l’appui providentiel de l’adjudant Lebel et du Lieutenant Steinberger, deux personnages importants qui sont le pendant et le versant de l’apicultrice Audrey, cette dernière devra démontrer et repousser ses limites de compétence afin de découvrir la vérité, trouver des raisons et donner des pistes à l’enquêteur « officiel », le commandant Loïc Rocher.

Pour lui faciliter l’accès et son travail d’enquêtrice « apicultrice », Audrey se verra attribuer une carte d’auxiliaire de justice. De quoi accompagner Rocher et les autres personnages afin d’expertiser et mener un vrai travail d’investigation.

Ce qui est intéressant avec ce roman, c’est la capacité de l’auteure à mener plusieurs fronts littéraires à la fois, il y a donc le roman policier avec tout ce qu’un lecteur de polar est en droit d’attendre, du suspense, de l’action, la récolte des indices et la collecte d’informations, une mécanique parfaitement huilée et rodée, c’est le cas de le dire, j’ai été pris dans l’engrenage à travers les yeux d’Audrey.

C’est le principal personnage, vous l’avez compris, l’héroïne de tous les instants, à part quelques rares passages où elle est hors champ, tout tourne autour de ses actions et de ses déductions, son intuition féminine, sa volonté de défendre et de rappeler sa cause écologique et une défenseuse insatiable de sa profession, j’apprécie le fait que l’auteur, en apicultrice chevronnée et avisée, s’est gardée d’abreuver son roman par des termes techniques et complexes de l’apiculture qui auraient pu égarer son lecteur pour se concentrer sur l’enquête.

En marge de la trame principale, les ramifications et le poids du passé apportent encore plus de densité et d’authenticité, là aussi, ce n’est pas du remplissage pour augmenter le nombre de pages, ce sont des rappels des faits historiques en rapport direct avec ce qui touchent et intéressent l’enquête, c’est clair, instructif et étayé juste ce qu’il faut.

Comme la délicieuse relation entre Audrey et Steinberger, ce dernier est un pur alsacien, un gendarme avec la culture « militaire », il met un point d’honneur à engager son amoureuse à l’initiation du langage de l’alsacien, le parler alémanique (proche de l’allemand lié au contexte de l’histoire et de la situation géographique de la Région).

Encore une fois, passé quelques moments où les mots « alsaciens » s’en donnent à coeur joie, dans des joutes verbales pas piquées des vers entre les deux personnages, vous vivrez des dialogues savoureux et vifs, chacun campant sur ses positions, avec ses us et coutumes, son bagage culturel.

Il en est de même dans l’interaction avec les autres protagonistes comme l’adjudant Lebel, si vous le découvrez ici pour la première fois, vous ne serez pas dépaysé si vous avez lu un célèbre auteur de … BD.

Ainsi que le commandant Rocher, des échanges crédibles et enlévés, le sentiment de lire des moments tendus et ancrés dans le vif, dans toutes les franges de l’histoire, tout est synchronisé et calibré afin d’amener vers la résolution de l’énigme, d’approcher d’un certain dénouement, de relier tous les fils et écheveaux, de tenter d’en saisir tous les impacts et composantes, parfois ce fut une lecture intensive, passionnante qui m’a fait, pendant plusieurs heures, me projeter dans l’esprit d’Audrey, de comprendre son raisonnement et ses prises de décision, la détective en herbe devra jongler entre ses velleités, ses obligations morales liés à sa profession, ses limites dans le champ d’investigation, ses désirs sentimentaux, tout cela créer en fin de compte un personnage à multiples facettes et avec une personnalité complexe.

Quand je parle d’authenticité ou criant de vérité, c’est aussi dans les commissions rogatoires, le respect des protocoles et autres procédures d’enquête, la frontière entre la légalité et l’illégalité, ce ne sont pas juste des termes techniques et administratifs, quand ils sont parcimonieusement disséminés, cela apporte du crédit qui au roman qui à l’enquête.

Je me suis vite empressé à éprouver de l’empathie à l’héroïne de l’histoire, j’apprécie de suivre un personnage principal d’abord avant tout pour ses qualités humaines, avec ses défauts comme tout un chacun, ici la sensibilité d’Audrey sera mis à rude épreuve, elle devra alors surmonter des épreuves pas seulement douloureux ou compliqués au niveau physique mais surtout psychologiques et comportementaux, la vie tient parfois à un fil, les tourments du passé, les frasques des uns et des autres, l’attitude et l’incompréhension, les limites de la magnanimité, les différences de culture, la complexité des relations humaines et avec des latitudes plus ou moins imprégnées et empruntées, le désordre moral, les inconstances et les limites de l’être humain, les obligations morales et professionnelles, les regards vains, la compassion à l’égard des victimes devant la bêtise humaine, que faire pour supporter tant d’ignominie et de monstruosité humaine pour des raisons le plus souvent matérielles ou physiologiques, la vengeance et la cupidité sont souvent les thèmes les plus représentatifs du genre polar, des organisations souterraines qui démontrent à quel point les apparences sont souvent trompeuses, la façade émergée de l’iceberg couvre la surface de la terre mais pas seulement …

Audrey devra livrer plusieurs combats à la fois et jusqu’au bout, j’ai vibré dans cette lecture haletante et purement addictive.

Une écriture parfaitement limpide, addictive pour donner envie d’avancer sur les pas d’Audrey Astier, la narration à la troisième personne qui apporte à la fois une proximité et une distance appropriée dans la vigueur et les agissement de la protagoniste, des chapitres plus ou moins longs mais toujours agencés d’une chronologie des évènements sans faille, ce qui mérité d’autant d’être souligné par la densité et l’action incessante qui émane de l’enquête.

De nombreux rebondissements toujours, des surprises encore, un dénouement qui vient clôturer de manière intense et jouissive ce fort beau polar. Mais vous ne serez pas au bout de vos peines …

Un roman sensible aussi à la cause de l’autisme, trop peu souvent abordé dans la trame des polars ou alors comme un artefact pour apporter un peu d’originalité, dans La fumée du Diable, ce trouble neurologique et du développement humain sont évoqué sans pathos et avec un respect qui se ressent, l’auteure rendant d’ailleurs un hommage à une personne chère, tout comme pour l’apiculture, c’est un roman policier riche, construit de manière subtil et efficace, qui se veut un roman policier tout en vous posant des questions sur certains sujets pertinents et qui pourraient vous interpeller.

Cela s’appelle réveiller les consciences, sensibiliser à certaines causes, là encore, je tiens à préciser, l’auteure ne cherche pas à imposer, à forcer la main, simplement à ouvrir les yeux, le temps d’une enquête.

Désormais, je ne regarderai plus les pots de miel dans les étalages de la même manière, ni ne passerai devant des ruchers sans penser au roman de Valérie Valeix, c’est un roman policier réussi dans le genre avec tous les ingrédients réunis pour passer quelques heures de lecture passionnante en compagnie d’une apicultrice vouée à sa cause et à la préservation des abeilles dans un monde qui les voit disparaître petit à petit …

Je remercie infiniment les Editions du Palemon et Claire Borgo de m’avoir permis de découvrir ce roman apicole passionnant, doublé d’une solide intrigue policière.

Il ne me reste plus qu’à vous inviter, à votre tour, à lire, tout affaire cessante, les abeilles n’attendent pas, La fumée du Diable de @Valérie Valeix, aux Editions du Palémon.

Quelques chiffres :

50 000 abeilles sont nécessaires pour produire un pot de miel de 500 g.
Cela représente 8 000 heures de travail.
L’espérance de vie d’une abeille est comprise entre 30 et 45 jours au printemps-été.

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